La sortie dans le delta de l’Aare à Hagneck ne s’est finalement pas faite à vélo (pour des raisons de santé de l’organisatrice) mais en voiture et surtout à pied. En arrivant, tout le Seeland est plongé dans un brouillard, ma foi, fort british et automnal. Cela ne nous empêche pas de repérer au chant puis à la vue, le charmant petit Pouillot siffleur et d’entendre de puissants tambourinements de Pics (certainement noir) dans le bois de hêtres surplombant le delta.
Avant de commencer le récit de notre journée, quelques informations concernant ce site. En 2015 la nouvelle centrale hydroélectrique est inaugurée officiellement. Elle complète la première centrale devenue obsolète, mise en service en 1899 et une des plus anciennes centrales de Suisse, aujourd’hui monument historique. L’installation de la nouvelle centrale est accompagnée de mesures environnementales qui font de ce delta un site classé réserve naturelle d’importance nationale. Ainsi plusieurs échelles à poissons ont été construites et les travaux autour du delta ont permis de retrouver une belle portion de rive naturelle et de forêts alluviales (ripisylves). Celles-ci se caractérisent par une faune et flore extraordinairement riches dues à des inondations temporaires et régulières, ce qui crée une mosaïque de petits espaces vitaux différenciés.
Le long des roselières et dans les bois de saules blanc, de peupliers noirs et d’aulnes noirs, nous surprenons des Fauvettes à tête noire, des Rougegorges familiers, des Mésanges charbonnières, bleues et nonettes, des Pouillots véloces et fitis (chant), des Gobes mouches noirs et Rousseroles effarvattes. Un énorme tronc couché porte les marques du bûcheron chef, le castor. Dans l’étendue des galets bordés d’eau, nous nous étonnons de ne pas trouver de limicoles, mais bon nombre d’Oies cendrées, de Nettes rousses, de Canards chipeaux et de Colverts et…. au beau milieu, posté sur un gros caillou, un Faucon pèlerin. Nous l’admirerons sous tous les angles tout au long de notre balade, perché sur un arbre et lors de vols piqués pour attraper une des nombreuses Hirondelles qui virevoltent au-dessus de l’eau.
Mais ce n’est pas tout ! Dès notre arrivée, nous repérons le Balbuzard Arthur en vol. Le président du GANaL, Gilbert Bavaud, nous raconte sa participation au projet Balbuzard, initié en 2015 par Wendy Strahm, Denis Landenbergue et Nos Oiseaux . Arthur est un des ces oisillons prélevés dans des nids, principalement en Allemagne du Nord et en Norvège, et élevés à la prison de Bellechasse entre 2015 et 2020. Arthur est né en 2018 en Norvège et porte une bague bleue (F12). Après sa première migration vers le Sénégal, il est revenu chaque année dans la région où il a grandi. En 2021, une plateforme de nidification est construite dans le delta et Arthur semble s’y plaire. Il ne lui manque qu’une femelle, mais tous les espoirs sont permis. Croisons les doigts! Nous admirons en tous cas son pouvoir de séduction (sur les humains) et son aptitude à la pêche. Isabelle Bovay réussit à le photographier en vol avec le poisson qu’il va tranquillement dépecer sous nos yeux durant deux heures. Perché d’abord sur un arbre, puis sur un autre près du nid occupé pour le moment par un couple de Goélands, sur fond de héronnière. Perchée sur un rameau au sommet d’un arbre, avec en arrière-plan le Chasseral, une Grande aigrette joue à la funambule.
Après notre pique-nique en compagnie d’Arthur et un petit café sur la terrasse du charmant bistrot « Martin Pêcheur », nous reprenons nos voitures pour faire une balade dans la magnifique réserve naturelle de Niederried Oltigenmatt. Nous rejoignons la jonction de la Sarine et de l’Aare en longeant un sentier bordé d’anémones jaunes (anemone ranunculoides) et en écoutant le chant des Rossignols de retour chez nous. Nous restons longtemps à la confluence des deux rivières à admirer le vol acrobatique de dizaines de Milans royaux et noirs et au-dessus d’eux de nuées d’Hirondelles et de Martinets noirs en folie, et parmi eux, un Faucon hobereau. La pluie nous oblige à abréger notre balade, mais c’est partie remise.
En traversant les hameaux et villages bernois et leurs grandes fermes sommeillant sous leurs immenses toits touchant presque le sol, nous achetons encore des asperges du Seeland. Grâce à Heidy qui connaît bien ces lieux, nous terminerons cette superbe sortie par un festin d’asperges de Kallnach, pelées sur place au moyen d’une machine allemande des plus efficace. On en apprend tous les jours!
Texte : Martina Suter / Photos : Gilbert Bavaud, Martina Suter