La Barraudaz, un peu de campagne rendue à la biodiversité

La Barraudaz, un peu de campagne rendue à la biodiversité

Historique

Au 20e siècle, la parcelle était cultivée par le père de mon épouse M. Daniel Porchet puis louée à un agriculteur, M. Huber, qui a exploité celle-ci en bio. Dans les années 80, j’ai créé, dans le bosquet où l’eau réapparait sous forme d’une source et d’un ruisseau (la Segnire) une petite mare afin de compenser la disparition de petites zones humides provoquée par la pose de tuyaux de drainage dans tous les environs.

Malheureusement ce point d’eau, devenu un lieu de ponte pour les tritons alpestres, grenouilles rousses, crapauds communs et sonneurs à ventre jaune, fut détruite (intentionnellement ?) lors de la pose des tuyaux, les rochers étant balancés sans discernement dans le sous-bois.

J’avais fait part de mon envie de créer un nouvel étang à M. Gilbert Rochat, président fondateur de notre Groupe des Amoureux de la NAture en Lavaux (GANaL) qui m’a suggéré de demander une aide de Pro Natura. Ce qui fut fait : en 2010, 3 mares de dimensions différentes voyaient le jour à la lisière du bosquet.

Ces 3 plans d’eau sont un lieu d’observation de nombreux invertébrés (libellules, gyrins , …), de batraciens, de reptiles dont la Couleuvre à collier, visiteuse régulière chaque été.

De plus, les alentours de nos 2 maisons devenaient un endroit de plus en plus consacré à la biodiversité.

Pour favoriser celle-ci, j’ai laissé pousser les ronciers, les herbes folles, en ne les fauchant que partiellement. J’ai planté une haie d’arbustes indigènes en bordure du chemin privatif amenant à nos 2 maisons. Ainsi, la Nature a repris quelque peu ses droits et les conséquences visibles en sont la réapparition de fleurs sauvages, de papillons comme la Thécla du prunier, le Machaon, et de nichées d’oiseaux tels la Pie-grièche écorcheur, le Torcol fourmilier, la Mésange à longue queue, et j’en passe. Sans oublier tous les oiseaux migrateurs s’offrant une halte bienvenue au printemps et surtout à la fin de l’été ! Ainsi, j’ai pu observer tout au long de ces années plus d’une centaine d’espèces d’oiseaux dont les plus remarquables sont la Pie-grièche rousse (une des dernières observations en Suisse, hélas), le Bruant ortolan, la Huppe fasciée, le Loriot d’Europe et le Torcol fourmilier devenu un nicheur régulier avec la Pie-grièche écorcheur. 

                         

Situation actuelle

Un projet diversifié

Nos enfants n’ayant pas les dispositions et les disponibilités qui sont les miennes, il s’agit de trouver des solutions afin d’ »exploiter » ce terrain de façon optimale. L’agriculteur ayant dépassé l’âge de 65 ans, il a pris sa retraite. Et je vois mal les autres exploitants voisins, qui déversent encore des insecticides et fongicides, reprendre le flambeau.

Voilà pourquoi une partie sera transformée en un verger de fruitiers à haute tige. Le terrain le plus en pente deviendra petit à petit une prairie florale. Quant à la partie nord-est, elle pourrait, c’est en tout cas mon désir, redevenir une zone humide, si on enlève les drains posés il y a 2 décennies. Il est temps pour nous de pérenniser le retour de ces 2 hectares à une biodiversité riche afin qu’une agriculture raisonnée puisse côtoyer un « sanctuaire* où la faune et la flore de notre région (et d’ailleurs pour la faune) à nouveau prospérer.

Cet hiver, j’ai planté les 1ers fruitiers du verger (poirier Williams, Prunier Fellenberg, pommier Boskoop, cerisier à bigarreaux). J’ai commencé la création d’une seconde haie de l’autre côté du chemin privatif avec quelques buissons indigènes. En ce mois d’avril 2021, j’ai semé des graines de fleurs sauvages sur la tranchée de la Romande-Energie qui a enterré la ligne de moyenne tension qui approvisionne en électricité les maisons du quartier.

                                                                                chemin privatif et haie                                        futur verger

Le but ultime consiste à confier aux bons soins d’une ou deux associations (Pro Natura, GANaL ) notre parcelle afin que, dans plusieurs décennies, elle soit encore et toujours un havre de biodiversité, le tout étant régi par la convention entre notre famille et la (les) dite(s) association(s). L’agriculteur, travaillant le domaine, devra respecter un strict cahier des charges (pas d’utilisation de produits de synthèse, pas de fauchage avant le mois de juillet, etc.)            

                                                                                        zone humide                                                        prairie

Environ 18’000 m2 seront alors rendus à la biodiversité, tandis que les 4700 m2 restant correspondent à la surface affectée aux 2 maisons, aux alentours de celles-ci, aux chemins privatifs et à un talus où poussent quelques arbres de fruits sauvages et des ronces, refuges de nombreuses espèces, de la faune avicole notamment.

Voilà le descriptif de ce projet qui trouvera, je l’espère, un avenir pérenne permettant aux espèces de la faune et la flore de Lavaux de vivre dans les meilleures conditions possibles.

      Bourg-en-Lavaux, le 26 mai 2021

 

La Barraudaz, un peu de campagne rendue à la biodiversité (suite 1)

 Dans mon 1er article, j’avais fait part de mon intention d’optimiser le plus possible la biodiversité de notre parcelle, et ceci avec l’aide du GANaL et de Pro Natura. Pour cela, il a fallu convaincre les membres de ma famille du bien-fondé de mon intention de demander à ces 2 associations de m’épauler dans certaines améliorations de la parcelle. Une fois leurs accords obtenus, nous avons signé devant notaire une convention de servitude en faveur de Pro Natura. Cette démarche, vous vous en douté bien a pris un certain temps.

Bourg-en-Lavaux, La Barraude

Mais cela ne nous a pas empêchés de poursuivre la réflexion quant aux possibilités que nous offrait la Nature sur ces 19’000 m2 et de choisir les meilleures options possibles, en sachant que rien n’est gravé dans le marbre. Jean-Francois Richard (Jeanot ! ), l’agriculteur du lac de Bret, s’est dit favorable à exploiter le terrain selon les exigences de Pro Natura. Quant à Kelly Delavy, de Pro Natura, elle a fait et fera le lien avec le GANaL, J.-F. Richard et nous les quatre membres de la famille propriétaire.

Début 2022, le journal La Salamandre a lancé un appel afin de promouvoir les actions en faveur

de la biodiversité. Grâce au beau dossier que Kelly a présenté à la Rédaction du magazine, notre projet de revitalisation d’une zone agricole a été sélectionné, a fait partie des 21 lauréats ( sur 140 ! ) et a obtenu une coquette somme. Un grand Merci à Julien Perrot et à son équipe. (Voir sur Youtube la Minute Nature les Numéros 280 et 305)

Le 19 novembre 2022, 25 bénévoles du GANaL et de Pro Natura se sont retrouvés sur les hauts de Grandvaux, au pied de la colline de Gourze. Munis de pelles, pioches, râteaux, etc., ils ont disposé 15 arbres fruitiers (cerisiers, pommiers, poiriers, …) élevés par Pro Specie Rara dans les trous qu’avait faits Vincent Sarbach quelques jours avant à l’aide d’une pelle mécanique.

Puis, les bénévoles ont planté, puis tutorisé et protégé 130 buissons et arbustes indigènes ( Prunus Spinosa, Argousier, Nerprun, Epine vinette, etc.).

Comme ce samedi était une journée fraîche et humide, nous nous sommes tous réchauffés et revigorés grâce à une bonne fondue.

L’après-midi fut consacré à la fin des plantations, à la pose de protections ( afin d’éviter des dégâts dus aux chevreuils, notamment ) et à la création d’un murgier qui est un amas de pierres disposées de façon réfléchie pour permettre aux petits mammifères (hermines, hérissons, …) reptiles ( serpents, lézards) d’y trouver un refuge bienvenu.

Ce projet de revitalisation, que je porte en moi depuis plus de 30 ans, a pris des proportions dont je ne pouvais rêver, grâce à des nombreux appuis : le GANal bien sûr et son président fondateur Gilbert Rochat, le président actuel Gilbert Bavaud, les membres de notre groupe, mais aussi MM. Claude Mayor et Jérôme Pellet pour la création des 3 mares en 2010, les personnes mentionnées dans cet article, etc. Un grand MERCI à tous !

Et bien sûr, ce n’est que le début !

Alain Walker

 

 La Barraudaz, un peu de campagne rendue à la biodiversité (suite 2)

Dans le bulletin No 25, je faisais l’historique de notre action consistant à permettre à la Nature de s’épanouir quelque peu sur la parcelle dont ma famille et moi-même sommes propriétaires.

Depuis mon adolescence, j’étais préoccupé par les atteintes commises par l’homme dans notre belle région, comme les conséquences de la pollution (interdiction de la baignade à Lutry dans les années 60, décharge de déchets ménagers comblant le vallon du Flon à Lausanne, etc.) Ma conscience écologique est née de ces observations.

Lorsque, habitant sur les hauts de Lavaux dès 1985, je me suis interrogé sur la disparition des prairies fleuries, j’ai réalisé que la cause première était l’exploitation intensive des terres. C’est pourquoi, j’ai petit à petit transformé notre parcelle, en laissant pousser des ronciers, des cerisiers et pruniers sauvages, j’ai semé des graines de prairies indigènes, planté des haies de buissons (chèvrefeuilles, viornes, amélanchiers, fusains, etc. J’ai également créé une mare dans un bosquet au bord du ruisseau pour le Sonneur à ventre jaune.

Les résultats dépassèrent mes espérances avec la réapparition de papillons rares tels le Procris de l’oseille ou Turquoise (Adscita statices), la Thécla du prunier, mais aussi la nidification de la pie-grièche, de l’orite à longue queue, et la visite de Bruants ortolans, du Loriot d’Europe, de la Huppe fasciée, etc.

Dans notre précédent bulletin, j’avais relaté la journée du 19 novembre 2022, date à laquelle 25 bénévoles du GANaL et de Pro Natura avaient planté une dizaine d’arbres haute tige et 130 buissons indigènes, créé un immense murgier de pierres de toutes tailles, refuge potentiel d’insectes de reptiles ou mammifères dont la spectaculaire hermine.

Cette année, rebelote avec une date prévue le 3 novembre. Hélas, les fortes pluies de cet automne nous ont obligés, Damien Juat de Pro Natura et remplaçant de Kelly Delavy, Nicolas Moduli, paysagiste et moi-même de renvoyer les travaux 2 fois, si bien que c’est une toute petite équipe de 4 composée de Damien Juat, Nicolas Moduli, Jean-François Richard et Romain, bénévole de Pro Natura Romain et) qui a réussi faire les trous, planter délicatement les buissons, et protéger ceux-ci avec un treillis dans la journée.

L’aspect définitif des aménagements de la parcelle prend forme. Il ne restera, si l’on se fie au magnifique projet de Kelly Delavy, plus qu’à placer encore 1 ou 2 murgiers et à laisser croître arbres et arbustes.

A noter que, sur les 130 buissons plantés l’année passée, seuls 9 n’avaient pas survécu. Victimes de la sécheresse de ce printemps et de cet été ? Que nenni ! Rongés par des campagnols.

Une conclusion s’impose : les essences indigènes choisies étaient les bonnes et correspondent bien l’altitude et la localisation de la parcelle.

A nouveau, nous tenons à remercier le GANaL Pro Natura, les personnes qui de près ou de loin, par leurs dons ou leur aide, ont permis cette réalisation.

Alain Walker