
Cette sortie restera dans nos mémoires par ses contrastes saisissants. D’une part la météo brumeuse et pluvieuse du matin cède la place à une belle après-midi ensoleillée et très douce et d’autre part la beauté de la nature et des paysages de ce coin de France voisine sont troublés par le son effrayant et lugubre des aboiements des chiens de chasse et celui du tocsin sonnant le hallali d’un pauvre animal aux abois ou déjà tombé.

Le matin nous parcourons émerveillés les beautés des marais de l’Etournel, qui représentent une halte migratoire essentielle pour les oiseaux. A tout moment le chant impétueux et explosif des Bouscarles de Cetti nous fait presque sursauter. Mais tout ce petit peuple de Bouscarles, Bruants des roseaux, Pouillots, Rousseroles, Râles reste discrètement caché au fond du fouillis de roseaux et n’apparaît que furtivement. A plusieurs reprises par contre nous admirons le scintillement du Martin pêcheur, repérons un Pic épeichette grâce à son cri et observons un couple de Canards siffleurs sur le dernier étang de la réserve.

Après cette balade, nous nous rendons à la plateforme de recensement de Chevrier où deux ornithologues passionnés nous communiquent généreusement leurs observations. Le défilé de l’Ecluse constitue un « entonnoir » géographique qui provoque une concentration des migrateurs, et d’année en année ce poste d’observation scientifique est occupé de mi-juillet à fin novembre par des biologistes. Ce comptage régulier permet de réunir des données précieuses sur l’état de santé et la population des espèces suivies et de prendre le cas échéant les mesures de protection nécessaires au maintien de la biodiversité. Notre groupe contemple fasciné le spectacle de grands groupes de Milans royaux se croisant et s’entrecroisant à la recherche des courants thermiques, quelques Buses variables, des groupes de Cormorans en formation de V, des vols d’Hirondelles rustiques , de Tarins des aulnes, tandis que plusieurs Faucons crécerelles et pèlerins sont des habitants des lieux. Dans les haies vives le Verdier, le Bruant jaune et zizi, un Tarier pâtre se gavent de graines ou d’insectes pour prendre des forces avant le voyage vers le Sud ou avant l’arrivée de l’hiver.

Nous pique-niquons dans la bonne humeur sur le sentier qui mène de Collonges au Fort militaire de l’Ecluse devant un panorama à couper le souffle. Mais cette fois-ci encore, pas de Tichodrome!

Après une dernière halte au barrage de Verbois avec ses Canards chipeaux et souchets, ses Nettes rousses, ses Goélands leucophées, son Martin pêcheur, ses Cygnes tuberculés et son arrogant et prétentieux Cygne noir qui se pavane sur les eaux turquoises du barrage, nous reprenons le chemin de nos pénates. Et je crois pouvoir affirmer que les 15 participants de cette sortie ne regrettent pas de s’être levé dès potron-minet.

Texte: Martina Suter / Photos : Pierre-Alain Cordey et Gilbert Bavaud